Relations entre foie gras, lésions de l’ADN et cancer du foie

06/07/2022

L’équipe de Chantal Desdouets, au Centre de Recherche des Cordeliers, vient d’élucider une nouvelle étape de la réaction en chaine qui conduit à l’aggravation de la maladie du foie gras ou maladie du soda.

Les résultats de Romain Donné et al. montrent que l’accumulation de gras au niveau du foie induit des lésions de l’ADN, lésions qui ralentissent et altèrent la réplication de l’ADN, et provoquent une réaction inflammatoire dont on sait à terme qu’elle favorise le développement de tumeurs.

Ces résultats, publiés dans la revue Developmental Cell, pourraient permettre de développer des stratégies thérapeutiques innovantes pour les patients obèses en particulier, et plus généralement pour tous les patients atteints de la maladie du foie gras.

©Developmental Cell

La stéatohépatite non alcoolique (NAFLD), communément appelée la maladie du foie gras ou la maladie du soda, est devenue une véritable pandémie dans les pays industrialisés. Cette maladie touche principalement des personnes en surcharge pondérale et est associée au diabète de type II. Schématiquement, une accumulation excessive de tissu adipeux au niveau de la cavité abdominale conduit à un relargage de gras dans la circulation sanguine, qui est déversé dans le foie. Les hépatocytes qui sont les cellules essentielles aux grandes fonctions de ce tissu absorbent ce gras. Malheureusement, dans environ vingt pour cent des cas, cette surcharge en graisse créé une toxicité, une mort des cellules et une inflammation. Au cours du temps, les patients atteints de cette maladie développent, comme lors d’une consommation excessive d‘alcool, des problèmes plus graves tels que la fibrose, la cirrhose et le cancer du foie. Actuellement, la seule façon de gérer les premiers symptômes de la NAFLD est d’apporter des changements majeurs de mode de vie, qui sont souvent très difficiles à mettre en œuvre et à maintenir. La prévalence de la NAFLD atteindra inexorablement 35% de la population dans les prochaines décennies. L’amélioration des connaissances sur ce trouble métabolique est devenue un enjeu majeur de santé publique.

Chantal Desdouets et ses collaborateurs dans l’équipe « Prolifération, Stress et Physiopathologie Hépatique » au Centre de Recherche des Cordeliers ont récemment identifié des facteurs moléculaires impliqués dans l’aggravation de la maladie du foie gras.  Leurs travaux démontrent qu’un hépatocyte surchargé en mauvais gras (graisses saturées) présente des altérations du génome. Les chercheurs ont comparé le cycle de division de ces cellules et celui des cellules saines. Ils ont observé que dans les hépatocytes gras, la réplication de l’ADN (doublement des chromosomes) est ralentie par rapport aux cellules saines, avec pour conséquence des cassures de l’ADN. Une fuite d’ADN est alors observée dans le compartiment cytoplasmique de ces cellules. Cet ADN active une réponse inflammatoire identifiée récemment comme ayant un rôle majeur dans le contrôle de la tumorigenèse, la voie cGAS-STING. Ils ont par ailleurs analysé divers paramètres biologiques dans une cohorte de patients obèses ayant développé la maladie du foie gras. Ils ont observé que cet organe présente des modifications dans la quantité de facteurs essentiels à la réplication de l’ADN. Les auteurs finalement démontrent dans des cultures d’hépatocytes gras que l’addition des facteurs de réplication identifiés comme altérés chez les patients induit une diminution des lésions de l’ADN et en conséquence une réduction du programme inflammatoire médié par la voie cGAS-STING.

Ces résultats novateurs révèlent un lien entre accumulation de gras, lésions de l’ADN et activation d’un programme inflammatoire impliqué dans des processus de tumorigenèse. Ces résultats ouvrent des perspectives thérapeutiques importantes pour les patients obèses et pour la maladie du foie gras en général.

L’équipe de Chantal Desdouets est labellisée « Equipe FRM ».

Référence :  Replication stress triggered by nucleotide pool imbalance drives DNA damage and cGAS-STING pathway activation in NAFLD. Donne R, et al. Dev Cell. 2022. PMID: 35768000