Un nouveau modèle pour l’étude des cancers du foie

28/04/2022

Dans un article récemment publié dans Journal of Hepatology, l’équipe de Sabine Colnot décrit la création d’un nouveau modèle murin de cancer primitif du foie par la technique CrispR-Cas9 (Prix Nobel 2020).

Le cancer primitif du foie est le 3ème cancer le plus meurtrier au monde. Sa forme la plus fréquente est le carcinome hépatocellulaire (CHC), associé chez l’homme aux hépatites virales, à la cirrhose du foie, ou à un foie gras développé dans un contexte de syndrome métabolique (en particulier l’obésité).  Un tiers des CHC sont associés à des mutations activant la voie de signalisation ß-caténine, mutations survenant surtout dans le gène de la β-caténine elle-même, le gène CTNNB1. Cependant, la plupart des modèles expérimentaux de cancer du foie chez la souris ont été créés via la mutation du gène APC, un partenaire de cette signalisation β-caténine.

Sabine Colnot et son équipe ont donc souhaité créer un modèle murin plus proche de la réalité génétique de ces tumeurs, c’est-à-dire portant des mutations dans CTNNB1, le gène de la β-caténine.  

L’utilisation du système CrispR-Cas9 permet de créer des souris transgéniques dont le gène de la β-caténine est muté. Ces souris développent deux types de cancer primitif du foie (carcinomes hépatocellulaires et les hépatoblastomes) dont les caractéristiques sont très proches de ce type de cancer chez l’humain.

Robin Loesch, doctorant dans l’équipe, a utilisé la technique des ciseaux moléculaires CRISPR/Cas9 in vivo chez la souris pour supprimer une partie du gène CTNNB1 (la plus fréquente des mutations génétiques dans ce cancer en  France), ce qui aboutit à une activation de la voie de signalisation β-caténine. Cette technique révolutionnaire des ciseaux moléculaires permet de modifier génétiquement les cellules du foie des souris par simple injection intraveineuse de particules virales qui expriment le système CrispR-Cas9 modifié pour induire l’expression de la β-caténine mutante. Ces souris CRISPR-β-caténine développent des carcinomes hépatocellulaires (CHC), mais également des tumeurs proches des hépatoblastomes (HB), le cancer du foie de l’enfant.

Les chercheurs ont montré que les tumeurs générées chez la souris par la mutation du gène β-caténine ou par la mutation du gène APC sont identiques. Ils ont également montré que l’expression génétique des tumeurs des souris CRISPR-β-caténine, et celle des tumeurs prélevées chez l’homme, dans une cohorte de patients atteints de CHC ou de HB, sont très similaires, ce qui conforte l’intérêt de ce nouveau modèle murin. Cette étude a été réalisée en collaboration avec l’équipe de Jessica Zucman-Rossi au Centre de Recherche des Cordeliers.

Ce nouveau modèle s’avère donc précieux pour étudier ces deux types de cancers primitifs du foie chez l’homme. Il représente également une avancée technologique qui pourrait se substituer à la classique approche Cre-Lox, beaucoup plus lourde, pour générer des tumeurs ciblées chez la souris.

Sur un plan plus général, à l’heure où l’immunothérapie émerge comme une voie thérapeutique pour les patients atteints de carcinome hépatocellulaire, il faut préciser que les CHC présentant des mutations de la β-caténine sont majoritairement décrites comme étant des tumeurs « froides », qui résistent à l’immunothérapie. Ces CHC requièrent donc de nouveaux schémas thérapeutiques. Les souris CRISPR-β-caténine permettront à la fois de mieux comprendre les mécanismes de résistance aux traitements, et de tester in vivo des alternatives thérapeutiques dans un modèle pertinent de cancer du foie.

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Contact : Sabine Colnot : sabine.colnot@inserm.fr